Partie III - LES CONCEPTIONS DE LA MALADIE

2- Chez les personnes originaires du Maghreb




2.1- Le sens

J'aborderai dans un premier temps le sens généralement donné à la maladie par les Maghrébins musulmans. Je m'appuie ici sur des conceptions religieuses car ce sont celles qui rassemblent une majorité de maghrébins.
   Dans le Coran, Allah dit : " Croyez-vous entrer au paradis sans être éprouvé ? " (19)
   Et le prophète Mahomet complète ce message dans la Tradition : " A la manière du feu qui purifie le métal précieux, la maladie que subit le musulman le prépare à être gracié et exempt de tout péché ".
   La maladie est donc une épreuve donnée par Dieu, qui "teste " le croyant, désire le faire réfléchir, se repentir, évoluer, penser aux autres (15), lui permettant de se préparer à la vie de l'au-delà, en purifiant son âme (17).

Il convient donc pour le croyant de faire preuve de courage, de patience, d'endurance et de confiance en Dieu ; il sera récompensé par le paradis. Il doit accepter la réalité, ne pas pleurer ou nier la présence de Dieu, mais faire face au problème, et surtout se soigner (15).
   Car le Prophète a dit : "Dieu, qui créa la maladie, créa le remède"(17).
   Il est donc conseillé au croyant de se faire soigner, d'autant plus que refuser les soins équivaudrait à un suicide, qui est interdit.
   On peut noter que si l'homme ne dispose pas du remède pour une maladie, ce n'est pas parce que Dieu ne l'a pas donné, mais parce que l'homme ne l'a pas encore découvert (15).


2.2- Le recours aux soins

En ce qui concerne ce recours aux soins, il semble que les Maghrébins fassent en général confiance à la médecine occidentale. En effet, comme le souligne M.OUMILOUD (15), ils ont découvert cette médecine depuis longtemps, et l'ont tout à fait intégrée, lui faisant confiance et suivant son évolution.
   De plus, le fait que les soins soient pris en charge, au moins en partie, par les aides sociales, facilite le recours aux soins puisqu'ils n'entraînent pas de problèmes financiers.
   En parallèle, les marabouts et guérisseurs semblent de moins en moins consultés (15).

Les mentalités évoluent également dans le domaine du choix de son médecin : en fonction de son sexe (un homme peut à présent être soigné par une femme, et inversement : il existe même des hommes gynécologues en Arabie Saoudite...), ou en fonction de son obédience religieuse (un musulman peut choisir un médecin non musulman). Ceci est bien sûr à moduler selon les personnes plus ou moins attachées aux anciennes valeurs, ou plutôt modernes et libérales.


2.3- La souffrance

" Pour le musulman, les maux de ce monde sont des épreuves destinées à évaluer l'étendue de sa foi. (Il lui faut les affronter avec patience pour témoigner de son endurance devant l'épreuve). Mektoub: "c'est écrit" ; on n'échappe pas à son destin. Ici la douleur n'est pas la sanction d'une faute ; elle est prédestinée, inscrite en l'homme bien avant sa naissance" (20).

Pourtant, pour M. OUMILOUD, cette douleur a tout de même un sens : elle vient de Dieu, elle a une raison d'être (qu'il appartient à celui qui souffre de découvrir) ; elle peut aussi conduire à "une récompense dans l'au-delà, après la mort", et peut "alléger nos péchés" ; elle permettra d'accéder au paradis, ce qui est un apaisement pour le croyant.

Mais cet aspect ne dispense pas pour autant celui qui souffre de soins : il a en effet le devoir de soulager sa douleur, car il évitera ainsi également de faire souffrir son entourage. Les traitements pour la douleur sont donc tout à fait acceptés par les patients et leur famille, d'autant plus que le fait de se trouver à l'hôpital, quand c'est le cas, est déjà une souffrance en lui-même.
   Cette souffrance peut d'ailleurs être prise en charge par différents moyens dans les soins, mais aussi par la communauté maghrébine, notamment au travers des visites rendues au malade.
   En effet, dans l'Islam, il est très conseillé d'aller rendre visite à un malade, que celui-ci soit musulman ou non, ami proche ou non, simple voisin ou connaissance, ou qu'il soit même un inconnu ayant besoin d'aide et de soutien :
   " On est des êtres humains avant d'être musulmans ou chrétiens, donc le côté humain, c'est-à-dire la valeur humaine, passe avant toute chose, et la religion vient après" (15).
   Ces visites peuvent donc être l'occasion de faire connaissance, de créer des liens d'amitié, car l'aide qu'on apporte à une personne en difficulté la marque (15). La visite des bénévoles est aussi très appréciée.


2.4- Les soins infirmiers

Les pratiques religieuses

La journée d'un musulman est rythmée par les cinq temps de prière. Ces prières sont généralement courtes et il est donc facilement possible d'organiser les soins, avec la participation du patient, de façon à ne pas le déranger systématiquement à l'heure de sa prière.
   D'autre part, ces prières sont précédées d'ablutions : le patient peut avoir besoin d'aide pour les effectuer (en particulier s'il ne peut pas se lever) ; les ablutions ne sont pas une toilette : il ne faudrait donc pas essayer de transformer cette pratique rituelle et religieuse en un acte d'hygiène.

L'hygiène

Pour le croyant, la propreté extérieure est le symbole de la pureté intérieure : on comprendra donc que la toilette doit mobiliser toute l'attention du soignant, et doit être effectuée à l'eau courante de préférence.

Par ailleurs, tout ce qui quitte le corps est considéré comme "impur ", et nécessite une purification immédiatement après. Il faudrait donc que le soignant pense à proposer une toilette intime au patient après l'élimination de selles ou d'urines (et la fasse ou propose son aide).

L'habillement, la pudeur

La femme doit dissimuler son corps, et avoir la tête couverte. Il est recommandé aux hommes de rester couverts du nombril aux genoux, et aux femmes de découvrir seulement le visage et la paume des mains.
   Ces recommandations sont levées en cas de nécessité absolue, mais le soignant peut être attentif à cet aspect du patient et veiller à recouvrir le corps dès la fin du soin.

La communication

La langue n'est de nos jours plus une importante barrière. La majorité des maghrébins parlent français.
   Les autres ont la plupart du temps un membre de leur famille capable de traduire, même si ce mode de communication n'est pas toujours satisfaisant pour le soignant : celui-ci doit alors estimer l'étendue des non-dits et des interprétations de la part du patient et du traducteur...
   Il existe aussi dans certains hôpitaux (au Centre Hospitalier de Grenoble notamment), la possibilité d'avoir recours à un interprète employé par l'hôpital.


21 mars 1999 - (c) isabelle GUYOT
Réalisé par Jérôme MALANDRINO (c) 1999